Cass. crim. 20 juill. 2011, n° 10-81.726

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Décision de la Cour de cassation. – La Cour de cassation rejette ce pourvoi par une décision en date du 20 juillet 2011. Selon elle, « en cet état, et dès lors que l’appropriation indue par la banque du solde créditeur d’un compte clôturé caractérise le délit d’abus de confiance, peu important que durant le fonctionnement du compte, l’établissement ait eu la libre disposition des fonds, la cour d’appel de Paris a justifié sa décision ».

Observations. – Cette solution emporte notre adhésion. Il est évident, à la vue des faits, que des remises avaient été effectuées : les sept clients avaient déposé de l’argent sur leurs comptes respectifs, puisque ce sont des soldes créditeurs qui avaient fait l’objet des détournements dénoncés. Cela n’était guère contestable. Cependant, ces remises avaient-elles été effectuées à titre précaire ? Cette question est importante, car s’il y a transfert du bien en pleine propriété, le détournement devient impossible, et le délit ne saurait être retenu. La jurisprudence n’a pas manqué de le rappeler ces dernières années (Cass. crim., 14 févr. 2007, n° 06-82.283).

Dans l’affaire qui nous occupe, la situation est tout à fait spécifique, dans la mesure où nous sommes en présence de réception de fonds du public par un établissement de crédit. Or, une précision importante figure à l’article L. 312-2 du Code monétaire et financier à l’égard de ce type d’opération. En effet, selon ce texte, « sont considérés comme fonds reçus du public les fonds qu’une personne recueille d’un tiers, notamment sous forme de dépôts, avec le droit d’en disposer pour son propre compte, mais à charge pour elle de les restituer ». Cet article est donc particulièrement important, puisqu’il permet à l’établissement de crédit de disposer des fonds, tout lui en imposant la charge de les rembourser à un certain moment. La jurisprudence rendue en la matière est d’ailleurs venue poser très clairement comme principe le fait qu’en raison de la remise le déposant perd la propriété des sommes en question, mais devient titulaire d’un droit de créance sur la banque (Cass. civ. 1ère, 20 avr. 1983, n° 82-10.114). De son côté, cette dernière obtient la propriété des fonds et peut alors s’en servir comme elle l’entend.

Il convient dès lors, selon nous, d’opérer une distinction en la matière. Il faut, en effet, bien différencier, d’une part, les fonds recueillis par la banque, le plus souvent sous forme de dépôts de la part des titulaires des comptes en banque, et, d’autre part, les créances de ces même titulaires qui prendront la forme d’écritures dans les livres de la banque, en l’occurrence les soldes créditeurs des comptes. Dès lors, concernant le caractère précaire de la remise, on peut estimer que si les fonds eux-mêmes n’ont pas été remis à la banque à titre précaire, dans la mesure où celle-ci a le droit, nous l’avons dit, d’en disposer comme tout bon propriétaire, il en va différemment des soldes créditeurs des comptes en question. A l’égard de ces derniers, l’établissement de crédit ne pourra pas se comporter comme le propriétaire des créances qu’ils représentent.

Or, justement, la banque avait usé de ces soldes comme un propriétaire. Elle avait plus particulièrement décidé d’imposer aux titulaires des comptes des frais d’écriture non fondés aboutissant au final à l’inscription du montant des soldes sur des comptes d’exploitation ouverts au nom de la banque. En résumé, alors qu’elle n’avait que la gestion de ces soldes, la banque s’était appropriée les sommes représentées par ces écritures. De tels prélèvements indus constituaient alors bien un acte d’appropriation permettant de caractériser l’élément matériel de l’abus de confiance.

Notons, en outre, que les prévenus avaient soutenu devant la Cour d’appel, que la banque avait tenté de régulariser cette opération ultérieurement. Cela était, juridiquement, indifférent. Il est en effet traditionnellement admis que la restitution postérieure de la chose détournée ne constitue qu’un repentir actif laissant subsister l’infraction.

Jérôme Lasserre-Capdeville
Maître de Conférences à l’Université de Strasbourg
Lire l’arrêt…

Pour aller plus loin :
D. 2011, p. 2242, note J. Lasserre-Capdeville[/fusion_text][/fusion_builder_column][/fusion_builder_row][/fusion_builder_container]