Yannick CAPDEPON
8 août 1979 – 25 octobre 2019
Alors qu’il enseignait un cours de procédure civile à la faculté de droit et science politique de l’Université de Bordeaux, Yannick CAPDEPON, a été victime d’une rupture d’anévrisme provoquant son décès, à 40 ans, le 25 octobre 2019 et plongeant la communauté universitaire dans une profonde tristesse.
Après avoir étudié à Bordeaux où il obtint son DEA de droit pénal avec la mention Bien sous la direction du professeur Philippe CONTE, Yannick CAPDEPON soutint, le 21 septembre 2011, sa thèse de doctorat intitulée « Essai d’une théorie générale des droits de la défense », et réalisée sous la direction du professeur Jean-Christophe SAINT-PAU.
Cette œuvre magistrale invitait à distinguer le principe de défense et les garanties de défense. Cette conception normative des droits de la défense rejetait ainsi l’assimilation classique des droits de la défense aux garanties de procédure et consistait à définir cette norme comme imposant que toute personne soumise à l’exercice d’un pouvoir décisionnel unilatéral soit mise en mesure de se défendre, c’est-à-dire mise en mesure de soutenir ou de contester une prétention.
La thèse reçut les plus hautes distinctions et le rapport de soutenance de thèse soulignait : « Monsieur Yannick CAPDEPON est une personne qui doute et se remet en cause (ce qui le conduit à vérifier ses propositions). Il est honnête (ce qui le conduit à restituer à chacun ce qui lui appartient). Il est généreux (ce qui le rendit indispensable à la vie de l’Institut de sciences criminelles et de la justice). Il est rigoureux (ce qui lui permet une grande clarté appréciée des étudiants). Toutes ces qualités sont celles d’un universitaire : savoir, savoir faire, savoir être ».
L’auteur reçut le prix de l’école doctorale de droit de Bordeaux, le prix Emile Garçon de l’Association française de droit pénal, et le prix spécial du Barreau de Bordeaux. Et la thèse fut sélectionnée et publiée dans la prestigieuse nouvelle bibliothèque des thèses Dalloz (Vol. 122). Yannick CAPDEPON fut immédiatement qualifié par le CNU et recruté Maître de conférence en droit privé et sciences criminelles à l’Université Montesquieu-Bordeaux IV, désormais intégrée à l’Université de Bordeaux.
Au sein de l’Institut de sciences criminelles et de la justice dont il était l’un des piliers, il orienta alors ses recherches principalement vers la procédure civile, la procédure pénale et le droit processuel. Il publia une trentaine d’écrits dans les principales revues, notamment chez Lexbase, l’AJ pénal, LexisNexis. Il était cotitulaire de la chronique de procédure pénale de Revue pénitentiaire et de droit pénal et avait collaboré à un nouvel ouvrage de procédure civile (Cujas) avec les professeurs Aurélie BERGEAUD-WETTERWALD et Evelyne BONIS.
Cette disparition brutale constitue une perte institutionnelle car l’Université est désormais privée d’un enseignant de grande qualité, aimé de ses étudiants et de ses collègues, et plus particulièrement de la famille de l’Institut de sciences criminelles et de la justice qu’il a contribué à fonder. Mais l’esprit de Yannick CAPDEPON survivra à travers toutes ces personnes qui ont croisé son chemin, et ses idées consignées dans des écrits marquants continueront de susciter la réflexion et la contradiction doctrinale qu’il affectionnait. C’est le privilège de l’écriture intelligente que de survivre à son auteur par delà la mort dans les bibliothèques, et les base de données numériques.
La perte est aussi personnelle car ses amis sont désormais amputés d’une partie de leur vie affective, des moments de partage et de la générosité de Yannick CAPDEPON, incarnant cette vertu du don qui consiste à offrir à autrui ce qui est vôtre et qui lui manque. Mais Yannick CAPDEPON survivra dans le cœur de ses proches collègues comme un ami fidèle. Car il n’y a pas d’amitié sans fidélité, sans mémoire de ce qui fut et de ce qui est. La philosophie nous rappelle ainsi que la fidélité n’est pas une vertu parmi d’autres, une valeur parmi d’autres : elle est ce par quoi, ce pour quoi il y a valeur et vertu. Yannick CAPDEPON l’avait compris en restant fidèle à lui-même, à ses idées, et à ses amis.
C’est donc cette fidélité qui soutiendra la mémoire de Yannick CAPDEPON, qui sera toujours présent dans nos cœurs et dans nos activités universitaires, dans la mémoire de ses étudiants et dans ses écrits doctrinaux.
Jean-Christophe SAINT-PAU
Professeur à l’Université de Bordeaux
Doyen de la faculté de droit et science politique
Vice-Président de l’AFDP